Cet article a pour objectif de donner des conseils pour rendre l’utilisation en croisière de nos bateaux moins polluant, c’est la croisière durable.
Etre plaisancier, c’est un moyen unique et incroyable de profiter de la beauté et des bienfaits de l’environnement marin. Toutefois, bénéficiaires aux premières loges des plaisirs apportés par la vie sur les mers et les océans, les plaisanciers se demandent souvent comment respecter au mieux cette nature qu’ils aiment et admirent tant. Même si la plaisance est rarement pointée du doigt comme responsable des méfaits du réchauffement climatique et de la pollution maritime, la question d’une navigation plus éco-responsable anime de plus en plus souvent les pratiquants de ce loisir que nous sommes.
Bien sûr, il existe la solution de naviguer « à l’ancienne » sur des bateaux sans moteur, plus petits et moins confortables avec des besoins minimes en énergie.
Bien sûr, on peut améliorer son impact écologique en suivant les conseils de Corentin de Chatelperron (catamaran low tech Nomade des mers) :
- faire l’avitaillement en produits bios en vrac (pour éviter les emballages plastique)
- Acheter des fruits et légumes frais pour les déshydrater (pour éviter les conserves et l’emballage plastique des aliments lyophilisés)
- Embarquer des graines germées (à tremper dans l’eau deux fois par jour) et des champignons à faire pousser pour avoir des produits frais
- Fabriquer des toilettes sèches (voir le tuto)
- Cultiver à bord l’algue spiruline (algue comestible et pousse très vite et sans terre)
- Bricoler un four solaire (c’est une caisse bien isolée comme une glacière où on installe une vitre dessus avec des réflecteurs. On l’installe au soleil avec la nourriture à l’intérieur et ça chauffe, quasiment à 100 °C – voir le tuto)
Bien sûr, on peut attendre la transition environnementale de l’industrie nautique et attendre que les fabricants de bateaux fassent les efforts à notre place. Ils (par exemple Windelo) ont d’ailleurs déjà pris ce chemin en suivant 4 axes :
- Autonomie en énergie renouvelable
- Nouveaux modes de propulsion (moteur hybride ou électrique)
- Une production plus vertueuse
- Réutilisation et matériaux bio-sourcés
Même si les constructeurs préviennent que l’empreinte carbone provient de 20% de la production des bateaux et 80% de leurs utilisations… (source : ODSea-Lab).
Bien sûr, nous pouvons aussi arrêter de naviguer et faire recycler nos bateaux gratuitement grâce à l’APER, la filière de déconstruction des bateaux de plaisance…
Bref sans changer de bateaux (pour un plus vieux ou pour un bateau éco-conçu), et sans tirer un trait sur notre passion pour la navigation et mettre nos bateaux au rebut, que peut-on faire concrètement et simplement pour naviguer plus propre et pratiquer une croisière durable? Voici nos conseils à partir de la croisière fictive de Jean-Louis, propriétaire d’un catamaran aux Antilles.
Problème : les bouteilles d’eau potable
Début de croisière avec Jean-Louis, notre skipper de Nautitech 44 qui navigue aux Antilles. Sous le soleil du Marin, Jean-Louis pousse un chariot chargé à bloc de packs d’eau. Pour sa prochaine croisière d’une semaine vers les grenadines, il n’embarque pas moins de 10 packs d’eau, 120 bouteilles et s’interroge déjà sur les points de collectes possible lors de sa descente vers les Grenadines.
Arrivé devant son bateau, Mike et son frère Steven, deux étudiants équipiers co-navigateurs, voient arriver, étonnés, le chargement. Ils viennent de terminer les pleins d’eau, sur les conseils de Jean-Louis.
“Et ben dis donc, il faut tant d’eau avec toute celle qu’on a dans les réservoirs (600 L) et le dessalinisateur ? C’est ouf !”.
“On ne peut pas boire l’eau des réservoirs, des bactéries peuvent y proliférer et la tourista en vacances à 10 sur un cata, hein !” lance Jean-Louis, tout occupé à charger.
Solution pour une croisière durable : la potabilisation de l’eau douce
Si on ne doit pas boire l’eau des réservoirs telle quelle, de petits systèmes de potabilisation de l’eau douce, comportant LED à UV et filtres à charbon actif, consommant moins de 4 A en 12 V lorsqu’ils fonctionnent permettent de potabiliser l’eau des réservoirs de façon sûre. Et de se passer définitivement de la corvée d’approvisionnement et de recyclage des bouteilles, le tout à vie et pour moins de 800 € ! Voir le site d’OJI Nautic.
Problème : le rejet des eaux usées dans la mer
Tout occupé à préparer son voilier en prévision du départ, Jean-Louis passe au nettoyage du pont. Mike et Steven se sont installés sur une terrasse et suivent les opérations.
Bientôt, Jean-Louis et sa brosse de pont, frottent, à le faire reluire, son beau bateau. Une mousse l’entoure bientôt, elle provient du détergent utilisé. Elle se répand dans le port. Jean-Louis a bien conscience de cette pollution, mais il se dit, à raison, que de toute façon on envoie aussi les eaux des douches, de la vaisselle et des toilettes à la mer, alors ce n’est pas cette mousse inoffensive qui va changer quoi que ce soit.
Solution pour une croisière durable : la vidange des eaux noires dans les ports ou à 12 MN des côtes
Les eaux noires (WC) sont désormais stockées dans des réservoirs qui ne doivent (réglementation internationale POLMAR) être directement vidangées à moins de… 12 MN des côtes ! La seule alternative légale et raisonnable consiste à les vidanger dans un port. Pour les eaux grises, les eaux grasses de vaisselle et celles, chargées de détergent, des douches, il n’existe pas de réglementation.
Solution ultime pour une croisière durable : la captation des eaux noires et eaux grises dans un bio-réacteur
On peut, comme le propose le chantier Catana sur ses catamaran de la marque Bali, installer un véritable bio-réacteur, c’est-à-dire une fosse septique accélérée, collectant eaux grises et noires et capable de ne rejeter à l’eau que des effluents propres. Sur les catamarans, on peut prévoir l’installation de telles cuves.
Problème : l’utilisation de l’antifouling pour conserver une carène propre
Pendant qu’il frotte, le cerveau de Jean-Louis est bien conscient de la pollution générée par cette mousse. Il plonge et pratique la chasse sous-marine et déteste s’immerger dans une eau sale, dont la pollution est issue des activités humaines. Jean-Louis pense alors au carénage et à l’utilisation de l’antifouling biocide dont il a fait enduire ses coques. Son regard s’est posé sur un pot de ce produit nocif et les symboles de danger qui figuraient sur l’étiquette étaient si nombreux qu’il se souvient s’être demandé s’il avait en mains une arme de destruction massive ou une simple peinture…
Mais nous sommes aux Antilles, et la température favorise la prolifération d’algues, et, à sa connaissance, il n’y a que les antifoulings biocides qui marchent.
Solution pour une croisière durable : utiliser des antifouling sans biocides
La question des antifoulings prend chaque année plus d’importance. Les industriels poussent fortement leurs produits érodables fortement chargés en biocides. Des produits désormais interdits dans la marine marchande ! Signe des temps qui changent, SeaJet, un des industriels leader dans ce domaine, lance une gamme totalement dénuée de ces poisons marins.
Des alternatives, parfaitement crédibles existent comme Coppercoat, un antifouling à base de cuivre, ce même métal dont on doublait les fonds des frégates au XVIIIe siècle pour ses propriétés efficaces contre la prolifération.
Les coques des voiliers de la course Clipper around the world 2018, APRES la course, traitées au Coppercoat.
Problème : les rejets d’eau irisée de la pompe de cale
Toujours plongé dans ses pensées et sur son liston qu’il astique, Jean-Louis observe alors le jet d’eau de sa pompe de cale, qui se déclenche automatiquement. L’eau prend une couleur irisée autour de son point d’impact. Une irisation qui rappelle au skipper qu’il a renversé un quart de litre d’huile neuve dans une coque pendant qu’il procédait lui-même à la vidange. Cette huile coule dans les fonds, se mêle à l’eau qui y stagne puis finit pompée à la mer, une mini marée noire en somme !
Solution pour une croisière durable : garder des cales propres et saines
Le test traditionnel, dans la mécanique nautique, consiste à pouvoir descendre dans une cale en chaussettes blanches et en remonter sans qu’elles aient changé de coloris ! Tenir ses cales propres implique de nettoyer au papier absorbant toute présence d’huile et de gazole, pour éviter les pollutions. Les tenir propres c’est se garantir de l’absence d’odeurs désagréables. C’est aussi se faciliter la vie, car, s’il faut intervenir sur un équipement dans l’urgence, autant ne pas patauger dans les hydrocarbures et en répandre partout à bord. Tenir ses cales propres c’est se garantir le fonctionnement de ses équipements de sécurité, comme les pompes de cale, dont les flotteurs sont très sensibles aux débris en tous genres.
Pour en finir avec les hydrocarbures, s’il est bon de tenir ses cales propres, il est également recommandé de procéder aux pleins de gazole avec soin, l’oreille aux aguets, pour éviter le refoulement de carburant et la pollution des eaux portuaires.
Problème : l’utilisation du ou des moteurs du voilier
Un peu plus tard, c’est le moment du départ. Les deux moteurs diesel démarrent au quart de tour et Jean-Louis dirige son catamaran vers la sortie de la rade du Marin puis oblique en direction du Diamant. C’est une navigation d’une heure. Ne connaissant pas encore l’expérience nautique de ses équipiers qui ne sont pas encore amarinés, Jean-Louis hésite à hisser ses voiles puis décide de faire les 8 MN au moteur. Il y en a pour une grosse heure, contre deux en louvoyant à la voile.
Solution pour une croisière durable : adapter son parcours pour ne pas dépendre du moteur
Utiliser son voilier au moteur, c’est pratique, l’utiliser à la voile, c’est mieux ! Les voiliers sont équipés de motorisations puissantes qui les rapprochent de celles des fifty d’antan ! Sur un catamaran, ce sont deux moteurs qui consomment du carburant, des lubrifiants et produisent des particules fines et des décibels ! La voile est une activité lente, propice à prendre son temps, alors autant favoriser la qualité du trajet, sous voiles, à la destination à atteindre absolument, au moteur !
Problème : l’utilisation d’un générateur diesel en 220V
Au bout d’une heure de navigation, le mouillage idyllique du Diamant ravit les équipiers dont certains souffrent de la chaleur.
“On pourrait mettre la clim dans notre cabine ?” demandent Suzy et Marilou, une mère et sa fille en vacances longue durée en Martinique.
Jean-Louis s’exécute, démarre le générateur 220 V et la cabine en question se rafraîchit… Tout comme s’empuantit l’air ambiant des gaz d’échappement du groupe diesel et qu’un vrombissement vient masquer le clapotis des vagues contre la coque…
Solution pour une croisière durable : privilégiez les systèmes 12 ou 24V sur batteries chargées par l’alternateur moteur ou mieux encore sur les sources d’énergie renouvelable
La climatisation, et les systèmes 12 ou 24 V, associés à des parcs de batteries puissants, rechargés lors de la marche au moteur du bateau, devraient l’emporter sur les systèmes 220 V animés par un générateur, un troisième moteur diesel sur un catamaran ! De la même manière, pourquoi ne pas multiplier les sources de production d’énergie renouvelable avec des panneaux photovoltaïques souples, de l’hydrogénération (hydrogénérateurs Watt&Sea) et des alternateurs évolués pour se passer définitivement d’un tel générateur ?
Problème : l’impact du mouillage du mouillage sur les fonds marins
Le lendemain matin, au premier réveil, les visages ne sont pas tous frais. Certains souffrent du mal de mer tandis que d’autres n’ont pas trouvé le sommeil. Jean-Louis, lui, est en pleine forme et il enchaîne les anecdotes dès le petit déjeuner.
Il a bien dormi, sans stress, mouillé qu’il était sur un fond de d’herbiers, avec 40 m de chaîne au fond pour 5 m de profondeur. La veille, il avait plongé sur son ancre pour s’assurer de sa tenue.
Au moment de l’appareillage, aidé par Mike, très à l’aise dès ce deuxième jour, il avance, et reprend le mou de sa chaîne. La chaîne monte et, avec elle, une quantité impressionnante d’algues de fond vient envahir le davier et la baille à mouillage.
Pour finir l’ancre émerge, véritable motte d’algues, de sable et de vase agglomérée. Une gangue dont il faut la débarrasser, à la gaffe, avant de la remettre à poste.
Du coup, le sol du carré avant du catamaran présente un aspect peu ragoutant, tout comme le mouillage quitté ou flottent des mottes d’algues arrachées du fond, un vrai chantier de dragage…
Solution pour une croisière durable : les bouées de corps-mort et fonds de sable
Les zones de mouillages organisées, dans lesquelles on trouve des bouées de corps-mort, souvent payantes, sont conçues pour minimiser l’impact des mouillages répétés sur les fonds, souvent fragiles. Si vous appréciez de pouvoir pêcher depuis votre bateau ou encore d’apercevoir des poissons de toute taille depuis votre bord, il faut préserver leur habitat !
Choisissez autant que possible les mouillages organisés et, quand vous mouillez, évitez les mouillages qui ne sont pas faits de sable.
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