La co-navigation : combien ça coute?


De nombreux équipiers se demandent combien coûte un embarquement via une bourse aux équipiers ou une co-navigation.  De nombreux propriétaires se demandent quels sont les frais qu’ils peuvent partager et s’il n’existe pas des risques liés à l’embarquement d’équipiers qui ne sont pas directement des amis ou de la famille. 

Il n’existe pas de réglementation spécifique sur le sujet mais des usages qui existent et évoluent depuis aussi longtemps que les bateaux de plaisance naviguent. Par ailleurs, il y a un contexte juridique qu’il ne faut pas ignorer.

L’ambition de cet article (sujet à évolution) est de donner les clés à chacun pour permettre une juste répartition des frais entre propriétaire de bateau et équipiers dans le double but de :

– A court terme, éviter les non-dits et les ressentiments qui pourraient nuire à l’entente de l’équipage

– A long terme, de trouver un juste équilibre permettant le développement de la co-navigation.

Traditionnellement, deux types de frais partageables peuvent être distingués :

– Les dépenses inhérentes à la vie à bord, dites de « caisse de bord »

– La participation aux frais de fonctionnement du bateau, qu’on a pour habitude d’appeler « la participation aux frais ».

1. Les frais de « La caisse de bord »

Les dépenses incluses dans la caisse de bord sont celles inhérentes à la vie à bord en communauté.

1.1 Quels sont les dépenses incluses dans la caisse de bord ?

1.1.1 Les frais de nourriture et de boisson

Dès que vous prenez la mer pour plus qu’une demi journée, vous serez sûrement amené à prendre un repas à bord du bateau. 

Les frais du repas seront partagés entre tous les membres présents à bord, par tête, propriétaire du bateau inclus.

Le même traitement est réservé pour les frais de boisson.

Précision : les frais de boissons alcooliques peuvent augmenter significativement la note globale. Si vous ne buvez jamais d’alcool, vous pouvez demander à ne pas participer à ces frais.

Précision 2 : certaines personnes incluent à l’intérieur les dépenses de restaurant faites en commun par l’équipage. Cette méthode est équitable si tous les membres de l’équipage sont d’accord pour manger au restaurant et consomment environ des plats et des boissons de même valeur. Personnellement, je recommande de ne pas inclure les restaurants dans la caisse de bord, car de la sorte chacun est libre de consommer suivant son budget.

1.1.2 Les frais de port

Lors d’une croisière ou d’un voyage, vous serez amené à faire escale dans des ports, différents du port d’attache du bateau. Ces redevances portuaires dont le montant varie d’un port à l’autre, en fonction de la taille du bateau, et de la saison de navigation, du nombre de jours d’escale, sont partagés de la même façon que les frais de nourriture et de boisson.

1.1.3 Les frais de carburant

Même les voiliers sont équipés d’un moteur ! Il est nécessaire au minimum aux manœuvres de port, où tout simplement pour faire route en l’absence de vent ! 

Tous les propriétaires connaissent la consommation de carburant par heure d’utilisation du moteur de leur bateau. Le plus juste est de calculer le nombre d’heures moteur effectué par l’équipage, donc le nombre de litres consommés, puis de multiplier ce dernier par le prix du litre de carburant.  Ce montant total doit être divisé par tous les membres présents à bord, par tête, propriétaire du bateau inclus.

1.1.4 Les autres consommables

On entend par consommable notamment la bouteille de gaz de la cuisinière, les piles nécessaires à l’équipement électrique du bord (gps portable, radio, vhf portable, feu à retournement, lampe torche, lampe frontale…).

Il est souvent difficile d’établir les coûts réels des consommables pour une navigation. 

Le plus simple est de partager les frais au fur et à mesure de leur remplacement. Pour les plus organisés, un forfait peut être calculé et appliqué à chacun des membres de l’équipage en fonction de la durée de son séjour à bord

1.2 La gestion de la caisse de bord

Trois manières de gérer la caisse sont possibles.

1.2.1 Le « pot commun »

Dans cette hypothèse, une somme d’argent est mise en commun par l’équipage et toutes les dépenses du bord ci-dessus sont réglées avec cet argent. Pour la bonne gestion, il est conseillé de faire gérer le pot commun, par une seule personne qui en devient responsable.

1.2.2 La caisse de bord « forfaitaire »

C’est la méthode employée quand la méthode des frais réels présente des difficultés.

Cela peut être le cas, quand tous les membres de l’équipage ne restent pas la même durée sur le bateau, quand le propriétaire du bateau a pour habitude de faire lui même l’avitaillement du bateau, de régler lui même les places de port… Cette méthode a l’avantage de la simplicité. 

1.2.3 Le calcul scientifique sur justificatifs des dépenses de chacun

Méthode peu recommandée car plus complexe (sauf éventuellement pour les sorties WE), nécessitant de faire des comptes et obligeant à des reversements entre membres de l’équipage à la fin du séjour.

C’est souvent la méthode qu’on subit à défaut d’avoir pris la peine d’organiser un « pot commun ». Chaque membre de l’équipage paie une partie des frais et conserve les justificatifs de ce qu’il a payé. 

A la fin, il est effectué le total des frais à l’aide des justificatifs, et le montant est divisé par le nombre de personnes à bord. Ceux qui n’ont pas assez payé doivent de l’argent à ceux qui ont trop payé.

Cette méthode est carrément à déconseiller si la croisière :

– va parcourir des zones avec plusieurs monnaies (cas d’un bateau français qui va en Grande-Bretagne)

– sera longue (les dépenses seront donc nombreuses)

– ou si l’équipage est à composition variable (le nombre d’équipiers à bord ne sera pas toujours le même)

2. La participation aux frais de fonctionnement du bateau dite « participation aux frais »

(pour une actualisation de ce paragraphe, lire l’article : contribution aux frais du bateau dans la co-navigation VogAvecMoi)

Au surcroit du partage de la caisse de bord, certains propriétaires demandent une « participation aux frais » (le plus souvent forfaitaire et journalière). Quel est son fondement ?

2.1 La nature des frais

Possédez un bateau coûte cher et nous ne parlons pas ici de son prix d’achat mais seulement des frais de fonctionnement. 

Témoignage d’Alain : « j’ai acheté mon bateau (un voilier habitable de 9m, construit en 1995 et ayant servi d’école de croisière) pour 30.000€ en 2004, avec un loch et un sondeur pour toute électronique. En presque 9 ans, j’ai dépensé largement plus que le prix d’achat. En 2011, j’ai dépensé environ 4500€. Les gros postes étaient la place de port (1700€), l’assurance (un peu plus de 600€) et une ancre performante (un peu plus de 500€). »

2.2 Comment calculer ces frais?

Pour les propriétaires de bateau, il suffit d’additionner toutes les dépenses faites au cours d’une année, les diviser par le nombre de jours d’utilisation du bateau, puis les diviser par le nombre de personne à bord en moyenne. 

Dans l’exemple d’Alain ci-dessus, les frais de fonctionnement annuel du bateau seront d’environ 4.500€/an. Si le propriétaire utilise le bateau 45 jours par an, le bateau lui coûte 100€ par jour de navigation.

Pour un équipage composé de 4 personnes, le coût de la participation au frais pourraient s’élever à 25€/jour. Sachant que ce montant peut être un frein pour certains équipiers, Alain demande une participation aux frais de 15€/ jours en plus du partage de la caisse de bord.

Si, en tant qu’équipiers, vous vous demandez si les frais de participation sont justes, il existe un calcul très simple permettant d’évaluer le montant des frais de fonctionnement annuel d’un bateau de plaisance. Ces frais sont au minimum égaux à 10% du prix d’achat du bateau (ou jusqu’à 30% si le bateau est ancien, les dépenses d’entretien augmentant lorsque le bateau vieillit). Si le bateau sur lequel vous embarquez a coûté 100.000€, c’est 10.000€ que son propriétaire dépense chaque année pour conserver son bateau en état de naviguer.

2.3 Pourquoi partager ces frais ? 

1ère façon de penser : « De toute façon, il a un bateau, avec ou sans moi comme équipier, il lui aurait couté la même chose ? »

Ce raisonnement se retrouve chez certains équipiers. Quelques propriétaires partagent ce point de vu et ne vont donc pas demander de partage de frais à leurs équipiers. La dimension humaine de la rencontre sera la contrepartie espérée de cette navigation, et les propriétaires de bateau sont les plus sélectifs sur les personnes qu’ils embarquent et en général ne vous embarqueront pour une longue période qu’après avoir fait connaissance ou réalisé plusieurs sorties en mer.

C’est un cadeau immense que ces propriétaires font aux équipiers qu’ils embarquent. En tant qu’équipiers, soyez en conscients, et n’oubliez pas de faire un cadeau de remerciement au bateau ou à son propriétaire avant de débarquer.

2ème façon de penser : « Faire du bateau coûte cher, pourquoi ne pas partager les dépenses ? « 

C’est le fondement de la co-navigation. C’est grâce à ce principe que le covoiturage a fini par s’imposer comme un moyen de se déplacer comme les autres. En matière de co-navigation, le propriétaire du bateau peut naviguer moins cher que s’il naviguait seul et les équipiers y trouvent l’opportunité de naviguer de la manière la moins onéreuse qu’il soit (comparativement à l’achat d’un bateau ou à sa location, la location d’une cabine sur un bateau de charter ou un stage en école de voile). 

N’oubliez pas l’adage « les bons comptes font les bons amis ». Le fait de partager les frais ne diminuent en rien l’expérience humaine que constitue la co-navigation bien au contraire!

Si vous n’êtes toujours pas convaincu du bien fondé de cette analyse reportez vous au paragraphe 2.4 (les exceptions) et/ ou réfléchissez y en prenant en compte les éléments suivants :

– Si vous aviez loué un bateau avec vos amis pour faire cette croisière (location bateau corse), comment auriez vous partagé les frais de location ?

– Si vous aviez acheté un bateau avec votre meilleur ami qui est d’égal fortune à la votre, ne l’auriez pas vous pas acheté 50% / 50% et partagé tous les frais suivants la même clé de répartition ?

– Contrairement à ce qu’on imagine, la plaisance est un loisir de passionné, pas forcément de privilégiés. Le propriétaire du bateau sur lequel vous allez naviguer n’est peut-être pas plus riche que vous, et dans bien des cas, fait d’immenses efforts financiers et sacrifices par ailleurs pour posséder son bateau.

2.4 Exceptions : les cas dans lesquels cette participation aux frais n’est jamais demandée

Ils existent certains cas dans lesquels seul le partage des frais de caisse de bord peut vous être demandé.

2.4.1  Le convoyage d’un bateau de plaisance réalisé par un skipper professionnel 

Dans cette hypothèse, le professionnel n’a juridiquement pas le droit de vous demander de participer aux frais. 

2.4.2 Le convoyage réalisé par un skipper amateur, propriétaire de son bateau

Dans toutes les hypothèses où un propriétaire du bateau requiert vos compétences pour un convoyage qu’il a besoin de faire ou qu’il a envie de faire, et qu’il ne pourrait pas faire seul, la participation aux frais n’est pas due ou est réduite.

2.4.3. Régates et entrainements

 Si vos compétences d’équipiers actifs sont requises, il n’y a pas de participation aux frais.

2.4.4 La transatlantique

Idem convoyage si votre rôle d’équipier actif est requis.

2.5 Comment évaluer la bonne participation aux frais ?

La participation au frais doit être discutée avant de projeter une quelconque navigation. C’est une question essentielle pour la bonne entente de l’équipage. Gardez en tête que vous ne pourrez pas avoir une bonne ambiance à bord du bateau, si un membre de l’équipage a l’impression de « s’être fait avoir ».

La « bonne participation aux frais » est celle que chacun accepte et que l’équipier peut honorer.

Ex : 50€/ jour/équipiers pour une croisière aux antilles sur un catamaran de 45 pieds (13,50 mètres de 2013) peut paraître très cher pour un étudiant. En revanche, sachant que c’est un bateau qui a une valeur d’environ 400.000€, qui se loue environ 4.000€/semaine sans skipper au mois de janvier, (faîtes le calcul vous même), il s’agit vraiment d’un bon plan.

2.6 Quels sont les risques pour les propriétaires demandant une participation aux frais trop élevés

La co-navigation ou la bourse aux équipiers n’est pas un business. Les risques encourus sont grands pour les propriétaires de bateau qui tenteraient d’en faire une activité lucrative de manière déguisée (sans assurance professionnelle adéquate, sans diplôme et sans statut fiscal approprié).

2.6.1 Des risques civils

Dans le cadre d’un partage de frais « ordinaire » et justifiable (suivant les méthodes décrites ci-dessus), l’assurance responsabilité civile du bateau couvre les dommages que votre équipage pourrait subir du fait du bateau ou de son capitaine.

En revanche, cette assurance ne fonctionnera pas s’il est démontré par l’assureur que vous ne transportiez pas des équipiers mais des passagers payants et que votre activité peut être assimilée à l’activité d’un professionnel du secteur (eu égard à la fréquence de cette activité, aux montants demandés, des prestations offertes…).

En cas d’accident grave, les dommages corporels infligés à un équipier pouvant se résoudre par une indemnisation s’élevant à des centaines de milliers d’euros, il vaut mieux être couvert par son assurance.

2.6.2 Des risques fiscaux

Tant que les sommes demandées à vos équipiers sont raisonnables et justifiables, ces sommes ne sont pas considérées comme des revenus imposables. En revanche, s’ils s’avère que votre activité puisse être assimilée à une activité professionnelle, vous risquez un redressement notamment au titre de l’impôt sur le revenu et sur la TVA…

2.6.3 Des poursuites pénales

La co-navigation est le partage d’une activité de loisir à but non lucratif. Vos co-navigateurs doivent être inscrits dans votre livre de bord comme équipiers. Ce ne sont pas des passagers! Aussi, il est important de toujours pouvoir justifier que la co-navigation n’est pas votre activité principale, que les frais partagés sont raisonnables et justifiables et que vous ne réalisez aucun bénéfice financier de vos co-navigations (cf. formule point 2.2): La co-navigation doit rester une activité bénévole.

L’exercice des activités d’enseignement de la navigation ou du transport de passagers sont soumises à l’obtention de diplôme(s). En cas d’accident grave (accidents, décès) de l’un de vos équipiers, vous pourriez être poursuivi pénalement pour « homicide involontaire« , « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » si vous pratiquez ces activités sans en avoir le diplôme…Ces délits sont passibles de peines de prison.

Par ailleurs, constitue le délit de « travail dissimulé », la dissimulation intentionnelle d’une activité exercée à titre indépendant, dans un but lucratif et en violation des obligations commerciales, fiscales ou sociales (non immatriculation au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, absence de déclaration auprès de l’URSSAF, de la MSA et/ou auprès de l’administration fiscale, etc)

Ce délit est passible de peine de prison et de fortes amendes. cf. tableau

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